26.

Rentrant à Château-le-Comte à la fin d’une journée de chasse, Ralph Fitzgerald était d’humeur joyeuse, comme tout l’entourage du comte Roland.

Les chevaliers, les écuyers et les chiens traversèrent le pont-levis, telle une armée d’envahisseurs. Il tombait une légère bruine et la fraîcheur était bienvenue pour ces hommes et ces animaux épuisés et ravis. En ce milieu de l’été, ils avaient attrapé plusieurs biches bien grasses qui feraient un excellent dîner, et aussi un vieux mâle, qu’ils avaient tué pour sa ramure car sa viande n’était bonne qu’à donner aux chiens.

Ils mirent pied à terre dans le cercle inférieur du huit que formaient les douves. Ralph dessella Griff et lui donna une carotte tout en lui murmurant des remerciements à l’oreille, avant de le confier à un garçon d’écurie pour qu’il le sèche et s’occupe de lui. Les garçons de cuisine vinrent chercher les prises dégoulinantes de sang. Faisant assaut de railleries et de vantardises, les chasseurs évoquaient des bonds admirables, des chutes spectaculaires ou des dangers évités à un cheveu.

Ralph gardait dans les narines cette odeur de cheval en sueur, de chien mouillé, de cuir et de sang qu’il aimait tant. Se retrouvant à côté du seigneur William de Caster, le fils aîné du comte, il lui dit : « Une journée splendide, vraiment !

— Formidable », convint William. Il retira son chapeau et se gratta la tête. « Je regrette seulement d’y avoir laissé mon vieux Bruno. »

Au moment de l’hallali, quand le cerf trop épuisé pour continuer à fuir s’était retourné face aux chiens, Bruno, le chef de la meute, avait bondi trop tôt. Dans un dernier acte de défi, et cela malgré ses épaules en sang, le cerf avait brusquement baissé la tête en secouant son cou puissant, et le chien s’était empalé sur les andouillers. Oh, il s’était débattu pendant que les autres chiens se jetaient sur l’animal épuisé, mais ses soubresauts n’avaient abouti qu’à perforer davantage ses entrailles prises au piège de la ramure et William avait dû lui trancher la gorge pour mettre un terme à ses souffrances. « C’était un chien courageux, dit Ralph en posant une main compatissante sur l’épaule de William.

— Valeureux comme un lion ! » renchérit William.

Sur l’inspiration du moment, Ralph décida de s’ouvrir au seigneur de ses projets personnels, car une meilleure occasion ne se représenterait peut-être pas de longtemps. Cela faisait maintenant sept ans qu’il était au service du comte Roland ; il était brave et fort et il lui avait sauvé la vie quand le pont s’était écroulé. Pourtant il n’avait reçu aucun avancement, il était toujours écuyer. Qu’attendait-on de plus de lui ?

La veille, dans une taverne sur la route de Kingsbridge à Shiring, il était tombé par hasard sur son frère. Merthin, qui se rendait à la carrière du prieuré, lui avait appris qu’il allait construire le plus beau pont d’Angleterre, ajoutant qu’il serait riche et célèbre et que leurs parents en frémissaient d’une joie anticipée. La nouvelle avait exacerbé les désirs inassouvis de Ralph.

En cet instant, tandis qu’il s’adressait au seigneur William, il ne parvenait pas à trouver les mots justes pour formuler sa requête. Voilà pourquoi il plongea, tête la première. « Trois mois se sont écoulés depuis que j’ai sauvé la vie de votre père à Kingsbridge.

— Plusieurs personnes revendiquent cet honneur », laissa tomber William, et ses traits se figèrent dans une expression dure qui n’était pas sans rappeler son père.

« C’est moi qui l’ai tiré hors de l’eau.

— Et Matthieu le Barbier a recollé son crâne, et les bonnes sœurs ont changé ses bandages, et les moines ont prié pour lui. Quoi qu’il en soit, c’est Dieu qui lui a prêté vie.

— Amen ! répondit Ralph. J’espérais cependant une faveur.

— Mon père n’est pas facile à satisfaire.

— C’est aussi vrai que la Bible, renchérit l’évêque Richard, qui se tenait tout près, rouge et couvert de sueur.

— Ne t’en plains pas ! rétorqua son frère. Sa dureté a fait de nous des hommes forts.

— Pour autant que je m’en souvienne, elle nous a surtout fait souffrir. »

William s’éloigna. De toute évidence, il ne souhaitait pas débattre de cette question devant un inférieur.

Quand les chevaux furent à l’écurie, les hommes se dispersèrent. Au-delà des cuisines, des casernes et de la chapelle, un second pont-levis permettait d’accéder à un terrain clos qui n’était autre que la boucle supérieure du huit formée par les douves. C’était ici que vivait le comte, dans un donjon dont le rez-de-chaussée était occupé par des entrepôts au-dessus desquels se trouvait une grande salle. Tout en haut, comme le voulait la tradition, il y avait encore une chambre à coucher. Une colonie de freux qui avaient établi résidence dans les grands arbres entourant le donjon se pavanaient au sommet des remparts, tels des sergents, exprimant leur mécontentement avec force caquètements.

Roland siégeait dans la grande salle. Il avait changé ses habits de chasse contre une longue robe pourpre. Ralph se tenait près de lui, bien décidé à évoquer la question de son avancement à la première occasion.

Roland était en train de converser agréablement avec dame Philippa, l’épouse du seigneur William, l’une des rares personnes qui pouvait se permettre de le contredire. Ils parlaient du château. « Quand on pense qu’il n’a pas été réaménagé depuis une bonne centaine d’années ! s’étonnait Philippa.

— C’est parce qu’il a été construit selon un excellent plan, répondit Roland de sa moitié de bouche. L’ennemi dépense la majeure partie de ses forces à pénétrer dans l’enceinte intérieure et, quand enfin il y parvient, il se retrouve à devoir mener une nouvelle bataille pour atteindre le donjon.

— C’est bien ce que je dis ! Ce château a été construit pour être imprenable en cas d’attaque, et non dans le souci que ses occupants y vivent confortablement. Et quand un château a-t-il été attaqué pour la dernière fois dans cette partie de l’Angleterre ? Je ne me rappelle pas qu’un seul l’ait été de mon vivant.

— Ni du mien. » Une moitié seulement du visage de Roland s’étira en un sourire. « C’est probablement parce que nos défenses sont aussi solides.

— Il y avait une fois un évêque qui répandait des glands sur la route partout où il se rendait. Pour se protéger des lions, expliquait-il. Et quand on lui fit remarquer qu’il n’y avait pas de lion en Angleterre, il répondit : « Vraiment ? Alors, c’est encore plus efficace que je ne le pensais. » Comme le comte éclatait de rire, Philippa ajouta : « De nos jours, la plupart des nobles vivent dans des maisons plus confortables. »

Ralph, quant à lui, ne se préoccupait pas du luxe ; ce qui l’intéressait en cet instant, c’était la personne de dame Philippa. Et tandis qu’elle parlait sans lui prêter la moindre attention, il détaillait sa silhouette voluptueuse. Il l’imaginait sous lui, tordant son corps nu, criant de plaisir ou de douleur, ou des deux à la fois. Ah, si seulement il avait été chevalier ! Il aurait pu posséder une femme comme elle.

« Vous devriez faire abattre ce vieux donjon et faire bâtir une maison moderne, disait-elle à son beau-père. Une maison avec de hautes fenêtres, de nombreuses cheminées, et dans laquelle cette grande salle se trouverait au rez-de-chaussée. À un bout, il y aurait des appartements destinés à la famille, pour que nous ayons tous un endroit où dormir quand nous venons chez vous. À l’autre bout, il faudrait installer des cuisines, pour que la nourriture arrive encore chaude à table. »

Ralph réalisa subitement qu’il pouvait apporter un élément intéressant à cette conversation. « Je connais quelqu’un qui pourrait concevoir pour vous une maison de ce genre », lança-t-il.

Ils se tournèrent vers lui, étonnés. Que pouvait connaître un écuyer à la façon de concevoir une maison ? « Qui ça ? demanda Philippa.

— Mon frère, Merthin. »

Elle le regarda, cherchant à se rappeler de qui il s’agissait.

« Ce garçon à la drôle de figure qui m’a dit d’acheter de la soie verte pour aller avec mes yeux ?

— Il ne voulait pas être irrévérencieux.

— Je n’en suis pas si sûre. Il est constructeur ?

— C’est le meilleur de tous ! dit Ralph fièrement. Il a fabriqué le nouveau bac de Kingsbridge. Ensuite, il a imaginé une machine pour réparer le toit de Saint-Marc alors que personne ne savait comment s’y prendre, et maintenant, on vient de lui passer commande pour la construction du plus beau pont d’Angleterre.

— Curieusement, ça ne m’étonne pas, dit-elle.

— Où ça ? demanda Roland.

— À Kingsbridge. Le nouveau pont aura des arches semblables à celles d’une église et il sera assez large pour que deux chariots puissent s’y croiser !

— Première nouvelle ! »s’exclama Roland.

Percevant son dépit, Ralph se demanda en quoi il avait pu contrarier le comte. « Il faut bien reconstruire le pont, n’est-ce pas ?

— À voir ! répliqua Roland. De nos jours, les affaires ne sont pas suffisamment florissantes pour que coexistent deux foires aussi proches l’une de l’autre. Mais si nous devons accepter la foire de Kingsbridge, cela ne signifie pas que nous devions encourager le prieuré à nous voler nos clients ! » Comme Richard venait d’entrer, Roland reporta sa hargne sur lui. « Tu ne m’as rien dit du nouveau pont de Kingsbridge.

— Pour la raison très simple que j’ignore de quoi il retourne, répondit Richard.

— Tu devrais être au courant ! Tu es l’évêque de cette ville. »

Richard se crispa sous le reproche. « L’évêque de Kingsbridge réside à Shiring depuis la guerre civile entre le roi Stephen et l’impératrice Maud, il y a de cela deux cents ans. Les moines préfèrent qu’il en soit ainsi, et la plupart des évêques aussi.

— Ce n’est pas une raison pour ne pas t’intéresser à ce qui se passe là-bas.

— Puisque je ne suis pas au courant, peut-être aurez-vous la bonté de me confier d’où vous tenez vos informations. »

Imperméable à l’insolence, Roland continua sur sa lancée : « Un pont assez large pour que deux chariots s’y croisent ! Mais les ventes vont chuter au marché de Shiring !

— Je n’y puis rien.

— Comment ça ? Tu es l’abbé du prieuré ex officio, que je sache ! Les moines sont censés t’obéir.

— Eh bien, ils ne le font pas.

— Peut-être qu’ils t’écouteront si nous les privons de leur constructeur. Ralph, peux-tu persuader ton frère de renoncer à ce projet ?

— Je peux essayer.

— Propose-lui un meilleur projet. Tiens, dis-lui que je veux qu’il me construise un nouveau palais, ici, à Château-le-Comte.

— Bien », répondit Ralph, ravi de se voir confier par le comte une mission spéciale. Mais par-devers lui, il doutait fortement de parvenir à la remplir. Dans ses discussions avec Merthin, il n’arrivait jamais à faire valoir son point de vue.

« Pourront-ils construire leur pont sans lui ?

— Si la commande lui a été confiée, c’est que personne d’autre à Kingsbridge ne sait comment construire un ouvrage sous l’eau.

— Il n’est pourtant pas le seul homme de toute l’Angleterre à pouvoir construire un pont, j’imagine !

— Quoi qu’il en soit, intervint William, privés de leur constructeur, ils ne pourront certainement pas lancer leurs travaux avant un an.

— Toujours ça de gagné ! » grommela Roland, et il conclut haineusement : « Cet arrogant prieur mérite d’être remis à sa place ! »

*

À l’église, Ralph put constater que la situation de ses parents s’était grandement améliorée. Sa mère arborait une robe verte toute neuve et son père des souliers en cuir. De retour à la maison, il découvrit, mise à rôtir au-dessus du feu, une oie fourrée aux pommes dont l’odeur vous faisait monter l’eau à la bouche et, sur la table, une miche de pain à la farine de blé, la plus onéreuse.

L’argent venait de Merthin, ses parents devaient-ils lui apprendre bien vite. « Il a été payé quatre pennies par jour par le curé de l’église Saint-Marc, dit Maud fièrement, et il construit une nouvelle maison pour Dick le Brasseur. Et ensuite, il a cette commande pour le pont. »

Pendant que son père découpait l’oie, son frère lui expliqua qu’il serait moins payé pour la construction du pont parce qu’il avait reçu en acompte l’île des lépreux. Le dernier malade, vieillard grabataire, avait été transféré de l’autre côté de la rivière, dans une petite maison tout au fond d’un verger appartenant au monastère.

Le bonheur évident de sa mère laissait à Ralph un goût amer : depuis son enfance, il était convaincu que le destin de sa famille reposait entre ses mains. Envoyé auprès du comte de Shiring à l’âge de quatorze ans, il en avait aussitôt déduit que l’honneur d’effacer l’humiliation de son père lui reviendrait d’office puisqu’il serait chevalier, voire baron ou même comte, alors que Merthin, placé chez un charpentier, végéterait tout en bas de l’échelle sociale. Les bâtisseurs n’étaient jamais adoubés chevaliers.

Le fait que son père ne semblait guère impressionné par les succès de Merthin lui fut un petit réconfort et il nota avec plaisir son impatience quand Maud évoqua les projets de construction. « Mon aîné semble avoir hérité du sang de Jack le Bâtisseur, le seul de mes ancêtres qui soit de basse extraction, fit-il remarquer sur un ton qui trahissait plus d’étonnement que de fierté. Mais toi, Ralph, dis-nous où tu en es à la cour du comte Roland. »

Jusqu’alors, pour une raison qui lui demeurait aussi mystérieuse qu’elle le dépitait, Ralph ne s’était pas élevé au sein de la noblesse. Que son frère soit en mesure d’offrir à leurs parents un peu de confort, de nouveaux vêtements et une bonne nourriture dans la situation modeste qui continuait d’être la leur, aurait dû le réjouir, mais il ne pouvait s’empêcher d’en éprouver du ressentiment.

Et maintenant voilà qu’il devait persuader Merthin de renoncer à bâtir le pont. La difficulté avec son frère, c’était qu’il ne voyait jamais rien simplement. Il n’était pas comme les chevaliers et les écuyers avec lesquels Ralph frayait depuis sept ans des hommes qui combattaient, et pour qui les questions de loyauté étaient claires, pour qui le courage était la vertu suprême et l’issue la vie ou la mort. Bref, des hommes avec qui il n’avait pas besoin de réfléchir beaucoup. Avec Merthin, c’était une autre affaire : il portait sur toute chose un regard global. Il ne pouvait pas jouer aux dames sans proposer immédiatement de modifier une règle.

Pour l’heure, il expliquait à leurs parents pourquoi il avait tenu à recevoir ces quatre acres de roche stérile en à-valoir sur son salaire : « Les gens croient que cette terre n’a pas de valeur parce que c’est une île. Ils ne comprennent pas qu’avec le pont, cette île deviendra un quartier de la ville. Ils le traverseront aussi facilement qu’ils descendent la grand-rue. Ces quatre acres de terre en ville auront alors une grande valeur. De plus, si j’y construis des maisons, j’en tirerai une fortune en loyers.

— Ce n’est pas demain la veille, objecta Gérald. Nous en reparlerons d’ici quelques années.

— J’en tire déjà un petit revenu, savez-vous, Jake Chepstow me loue une demi-acre pour y entreposer le bois qu’on lui livre du pays de Galles.

— Pourquoi d’aussi loin ? s’étonna sieur Gérald. Forêt Neuve est beaucoup plus près. Le bois devrait y être moins cher.

— En principe, oui. Mais il se trouve que le comte de Shaftesbury exige qu’on s’acquitte d’un péage ou d’une taxe pour chaque gué ou pont franchi sur ses terres. »

Cette pratique était un sujet de plainte constant, car nombre de seigneurs y souscrivaient.

Ils commencèrent à manger. « J’ai une nouvelle pour toi ! lança Ralph à son frère. Le comte veut faire construire un nouveau palais à Château-le-Comte. »

Merthin le regarda d’un air soupçonneux. « Et il t’a envoyé tout exprès pour me demander de le bâtir ?

— Dame Philippa le réprimandait sur son donjon à la mode d’antan et je leur ai dit que je connaissais exactement la personne qu’il fallait pour le rebâtir. J’ai avancé ton nom.

— Mais c’est merveilleux ! » s’extasia Maud.

Merthin demeura sceptique. « Et le comte a dit qu’il voulait m’en confier la construction ?

— Oui.

— C’est stupéfiant. Il y a quelques mois, je n’arrivais à me faire engager par personne et, maintenant, j’ai du travail à ne plus savoir où donner de la tête. Château-le-Comte est à deux jours de route. Je ne vois pas comment je pourrais construire en même temps un palais là-bas et un pont ici.

— Oh, il faudra que tu laisses tomber le pont ! Précisa Ralph.

— Pardon ?

— Un travail pour le comte a la préséance sur tous les autres, naturellement.

— Je n’en suis pas si certain.

— Tu peux m’en croire.

— C’est lui qui te l’a dit ?

— Oui, en fait. Il l’a dit.

— Construire un palais pour un comte, mais c’est une chance inespérée, Merthin ! s’exclama le père, joignant sa voix au concert des deux autres.

— Évidemment, répondit le jeune homme. Mais un pont pour cette ville, c’est tout aussi important.

— Ne sois pas bête ! dit le père.

— Croyez bien que je fais de mon mieux pour ne pas l’être ! ironisa Merthin.

— Le comte de Shiring est l’un des personnages les plus puissants d’Angleterre. En comparaison, le prieur de Kingsbridge n’est que de la roupie de sansonnet. »

Ralph se coupa une tranche dans le pilon de l’oie et la porta à sa bouche. Il put à peine l’avaler. Comme il l’avait craint, Merthin allait faire son difficile. Leur père aurait beau lui donner l’ordre d’abandonner le pont, il ne l’écouterait pas. Déjà enfant, il ne savait pas obéir.

Au désespoir, Ralph jugea bon d’ajouter : « Le comte ne veut pas entendre parler de ce nouveau pont qui risque de faire de l’ombre à sa foire de Shiring.

— Ah, ça ! s’énerva Gérald. Tu ne vas pas aller à l’encontre de la volonté du comte, Merthin ? »

Mais son fils voulait en savoir plus long. « Telle est donc sa raison, Ralph ? En fait, le comte Roland me propose ce travail pour que je ne bâtisse pas le pont ?

— Pas uniquement pour cette raison.

— Mais c’est la condition qu’il exige de moi pour me passer commande : que j’abandonne le pont. C’est cela, n’est-ce pas ?

— Tu n’as pas le choix, Merthin ! lança Gérald, exaspéré. Le comte ne demande pas, il ordonne. »

User d’autorité n’était pas le bon moyen pour convaincre Merthin, même Ralph le savait. Comme il s’y attendait, Merthin rétorqua : « Je ne pense pas qu’il soit en mesure de donner des ordres au prieur de Kingsbridge, lequel m’a passé commande pour la construction de ce pont.

— Il peut te donner des ordres à toi !

— Vraiment ? Il n’est pas mon seigneur, pourtant.

— Ne sois pas idiot, gamin. Tu ne peux pas gagner une dispute avec un comte.

— Je ne crois pas que cette dispute-là me concerne, père. Elle se joue entre le comte et le prieur. Roland veut m’utiliser comme un chasseur utilise son chien. Le mieux pour moi, c’est de rester hors du combat.

— Je considère que tu devrais faire ce que le comte ordonne. N’oublie pas qu’il est aussi ton suzerain. »

Merthin usa d’un argument différent. « Ce serait trahir le prieur Godwyn ! »

Gérald émit un bruit de dégoût. « En vertu de quoi lui devons-nous la moindre loyauté ? Ces moines du prieuré nous ont plongés dans la misère !

— Et vos voisins ? Les habitants de Kingsbridge, parmi lesquels vous vivez depuis dix ans ? Ils ont besoin du pont, eux. C’est une question de survie.

— Nous appartenons à la noblesse, réagit son père. Nous ne sommes pas tenus de prendre en considération les besoins de simples marchands. »

Merthin hocha la tête. « Libre à vous de le penser. Mais vous me permettrez, en tant que charpentier, de ne pas partager cette opinion.

— Tu n’es pas seul en compte, Merthin ! éclata Ralph. Le comte m’a confié une mission. Si je la mène à bon terme, j’ai des chances d’être fait chevalier ou, tout du moins, seigneur d’une petite terre. Si j’échoue, je risque de rester éternellement écuyer.

— Il est très important pour toute la famille que nous donnions au comte toute satisfaction », déclara dame Maud.

Son intervention fut une source de préoccupation pour Merthin. Il n’aimait pas entrer en discussion avec sa mère, alors qu’il prenait souvent le contre-pied de son père. « J’ai accepté de construire le pont, dit-il. La ville compte sur moi. Je ne peux faire faux bond.

— Mais si ! insista Maud.

— Je ne veux pas me tailler la réputation d’un homme sans parole.

— Tout le monde comprendra que tu donnes la préséance au comte.

— Comprendre, oui, on comprendra sans aucun doute, mais on ne me respectera plus.

— Tu devrais faire passer ta famille en premier.

— Mère, je me suis battu pour ce pont, répondit-il avec obstination. J’ai réalisé un projet magnifique ; j’ai réussi à persuader la ville qu’elle pouvait me faire confiance. Personne d’autre n’est capable de construire ce pont aussi bien que moi.

— Ne vois-tu pas que si tu défies le comte, la vie entière de ton frère en sera chamboulée ?

— Sa vie entière ne devrait pas dépendre d’une décision qui me concerne.

— Néanmoins, c’est le cas. Tu veux donc sacrifier ton frère pour un pont ?

— Et si je lui demandais de ne pas aller à la guerre pour ne pas tuer de gens ?

— Allons, allons ! intervint Gérald. Tu ne vas pas comparer un charpentier et un soldat ! »

Le manque de tact de son père montrait combien il le préférait, lui, le cadet. Et en voyant son frère rougir et se mordre la langue pour ne pas lui lancer une repartie cinglante, Ralph comprit que Merthin était blessé.

Au bout d’un moment, Merthin prit la parole sur un ton assourdi que Ralph connaissait bien et qui signifiait que ses propos seraient irrévocables. Et, de fait, il dit : « Je n’ai pas demandé à être charpentier. Comme Ralph, je rêvais d’être chevalier. Je sais aujourd’hui que c’était un rêve idiot. Il n’empêche. Si votre fils est charpentier aujourd’hui, vous en êtes seul responsable. Je ne me plains pas. Les choses ont bien tourné pour moi puisque j’excelle dans mon métier. J’ai réussi dans une situation qui m’était imposée et, un jour, je construirai le bâtiment le plus haut d’Angleterre. Vous avez fait de moi un charpentier. Acceptez-en les conséquences ! »

*

Avant de reprendre la route, Ralph chercha désespérément le moyen de transformer sa défaite en victoire. Arriverait-il à faire capoter ce projet de construction du pont ou, tout du moins, à le retarder, puisqu’il avait échoué à persuader son frère de l’abandonner ?

S’adresser au prieur Godwyn ou à Edmond le Lainier ne servirait à rien, assurément. Cela les renforcerait plus encore dans leur détermination. De toute façon, ils ne se laisseraient pas convaincre par un simple écuyer comme lui. De son côté, que pouvait faire le comte ? Envoyer une troupe de chevaliers pour occire les ouvriers chargés de construire le pont ? Cela créerait plus de problèmes que ça n’en résoudrait.

Ce fut Merthin qui lui souffla une solution. Il avait dit que Jake Chepstow, le marchand de bois, utilisait l’île aux lépreux pour entreposer sa marchandise ; qu’il achetait des arbres au pays de Galles pour ne pas avoir à payer l’impôt réclamé par le comte de Shaftesbury. Voici donc ce que Ralph dit au comte :

« Mon frère se sent obligé de se soumettre à l’autorité du prieur de Kingsbridge. » Et il ajouta, sans laisser au comte le temps de manifester sa colère : « Mais il y a peut-être un meilleur moyen de retarder la construction du pont. La carrière de pierre du prieuré se trouve au cœur de votre domaine, entre Shiring et Château-le-Comte.

— Elle appartient au monastère, grogna Roland. Elle lui a été donnée il y a des siècles par le roi. Nous ne pouvons pas leur interdire d’y prendre des pierres.

— Certainement, mais vous pouvez les frapper d’un impôt sur le transport à travers vos terres, suggéra Ralph. Des chariots aussi lourds détérioreront vos routes et vos gués. Ils doivent payer. » Il avait des scrupules à contrecarrer un projet qui tenait tant à cœur à son frère. Il fit taire sa conscience en se persuadant qu’il n’y avait pas d’autre solution.

« Ils pousseront des cris de porc qu’on égorge, ils se plaindront au roi.

— Qu’à cela ne tienne ! rétorqua Ralph sur un ton plus assuré qu’il ne l’était en réalité. Cela leur prendra du temps. Ils n’ont plus que deux mois devant eux, s’ils veulent commencer la construction cette année, car le gel les obligera bientôt à suspendre le chantier. Avec de la chance, vous arriverez à retarder le début des travaux jusqu’a l’année prochaine. »

Roland dévisagea Ralph d’un regard dur. « Finalement, je t’ai peut-être sous-estimé. Tu es peut-être bon à autre chose qu’à sortir un comte de l’eau. »

Ralph dissimula un sourire de triomphe. « Je vous remercie, mon seigneur.

— Mais comment mettre en place cet impôt ? Généralement, le paiement s’effectue à un carrefour ou un gué.

— Puisque la seule chose qui nous intéresse, ce sont ces pierres, je pense qu’il devrait suffire de placer une troupe à la sortie de la carrière.

— Parfait, dit le comte. Prends-en la tête. »

Deux jours plus tard, Ralph arrivait à la carrière en compagnie de quatre hommes d’armes à cheval et de deux garçons conduisant des chevaux de somme chargés de tentes et de vivres pour une semaine. Il était content de lui. On lui avait confié une tâche irréalisable dont il avait su venir à bout, et le comte estimait que ses dons ne se résumaient pas à sauver un homme de la noyade. L’avenir était prometteur.

Nonobstant, il était rongé par le remords dès qu’il pensait à son frère. La nuit précédente, en proie à l’insomnie, il s’était rappelé son enfance, la vénération qu’il éprouvait pour ce frère aîné tellement plus intelligent que lui, sa gêne chaque fois qu’ils luttaient l’un contre l’autre, ce qui était fréquent, et qu’il remportait la victoire. En ce temps-là, ils se réconciliaient toujours. Mais les brouilles entre adultes ne s’oublient pas aussi facilement.

La confrontation avec les carriers du monastère ne l’inquiétait guère. Aucun chevalier ne l’accompagnait – une telle mission leur aurait paru indigne de leur rang –, mais il était entouré d’une petite troupe d’hommes bien entraînés. Il remporterait le combat haut la main. Surtout qu’il avait avec lui Joseph Woodstock dont la hardiesse n’était plus à démontrer. Néanmoins, une fois son objectif atteint, il serait heureux d’en avoir fini avec cette histoire.

L’aube commençait à poindre. La veille, Ralph avait établi son camp dans la forêt, à proche distance de la carrière. Il comptait y arriver juste à temps pour intercepter le premier convoi du matin.

Les chevaux avançaient précautionneusement sur une route parsemée d’ornières laissées par les chariots lourdement chargés, tirés par des bœufs. À présent, le soleil se levait dans un ciel traversé de nuages de pluie où l’on entrapercevait çà et là des écharpes de bleu. La petite troupe se réjouissait à l’idée d’exercer son pouvoir sur des hommes désarmés sans encourir de risque sérieux.

Ralph sentit l’odeur de bois qui brûle bien avant d’apercevoir la fumée de plusieurs feux s’élevant au-dessus des arbres. Un instant plus tard, la route s’élargissait en un vaste dégagement bourbeux dominant le plus grand trou creusé dans la terre qu’il ait vu de sa vie. Cette percée, en effet, devait bien faire trois cents pieds de large et s’étirait sur un bon quart de mille. Une rampe menait tout en bas, jusqu’à un campement constitué de tentes et de huttes en bois. Des carriers, regroupés autour des feux, faisaient cuire leur petit déjeuner. Certains étaient déjà au travail ; plus loin, on entendait tambouriner les ouvriers qui enfonçaient au marteau des coins dans les fissures de la roche afin d’en détacher de larges galettes.

La carrière se trouvant à un jour de voyage de Kingsbridge, la plupart des transporteurs arrivaient le soir et repartaient le lendemain matin. Plusieurs chariots stationnaient déjà au pied du pan de roche. D’autres, chargés de pierres, entamaient leur lente progression vers la sortie au milieu des débris. Alertés par le bruit des chevaux, les ouvriers relevèrent les yeux. Apercevant les hommes en armes, ils demeurèrent au fond de la carrière. Les ouvriers n’étaient jamais pressés d’entrer en contact avec les forces armées du seigneur. Ralph attendit donc patiemment. La carrière avait pour unique rampe d’accès une longue pente de boue qui aboutissait juste à l’endroit où il se tenait.

Un premier char à bœuf chargé de quatre blocs de pierre grossièrement taillés et portant la marque du carrier qui les avait extraits s’engagea pesamment sur la rampe. Armé d’un fouet, le charretier poussait sa bête qui posait une patte devant l’autre avec un muet ressentiment. L’homme était payé à la pierre. Son chargement était compté au départ de la carrière et ensuite à l’arrivée sur le chantier. De loin, avec son cou épais et ses épaules massives, il ressemblait à son bœuf. Lorsqu’il se fut rapproché, Ralph reconnut en lui un habitant de Kingsbridge du nom de Ben le Rouleur. Son visage exprimait une sourde hostilité et Ralph se dit qu’il pourrait créer des ennuis. Tout comme il pourrait se soumettre.

Ben dirigea son bœuf sur la rangée de chevaux bloquant la route. Au lieu d’arrêter sa bête, il la fit avancer de plus en plus près des hommes d’armes. Ceux-ci n’avaient pas pour montures des destriers habitués aux champs de bataille, mais des chevaux de selle qui renâclèrent nerveusement et reculèrent. Le bœuf s’arrêta de lui-même.

« Espèce de mufle arrogant ! s’écria Ralph à l’adresse du charretier.

— Pourquoi vous tenez-vous au beau milieu de mon chemin ? rétorqua Ben.

— Pour récolter l’impôt.

— Il n’y a pas d’impôt.

— Vous devez payer un penny par chargement pour être autorisé à transporter ces pierres sur le territoire du comte de Shiring.

— Je n’ai pas d’argent.

— Débrouille-toi pour en trouver !

— Sinon, vous me barrerez la route ?

— N’essaie pas de me questionner, répliqua Ralph, furieux de voir que le manant ne se laissait pas impressionner. Les pierres resteront ici tant que la taxe n’aura pas été réglée. »

Ben le dévisagea si longtemps que Ralph se demanda s’il n’avait pas l’intention de le jeter à bas de son cheval. Mais Ben finit par dire : « Je n’ai pas d’argent. »

Ralph l’aurait volontiers passé au fil de son épée. « Ne te fais pas passer pour plus bête que tu n’es, jeta-t-il avec mépris. Va trouver le chef de la carrière et dis-lui que les hommes du comte ne laisseront passer personne. »

Ben le dévisagea plus longtemps encore, retournant cette proposition dans sa tête. Puis, sans un mot, il fit demi-tour et redescendit la rampe, abandonnant son char sur place.

Ralph attendit en fulminant, les yeux rivés sur le bœuf.

Arrivé au milieu de la pente, Ben entra dans une hutte en bois qui se dressait sur le bas-côté. Il en ressortit quelques minutes plus tard accompagné d’un homme mince, vêtu d’une tunique brune. Le chef de la carrière, supposa Ralph.

Jusqu’à ce qu’il se rende compte que cette silhouette qui s’avançait vers lui était celle de son frère.

« Ventre saint bleu ! » s’écria-t-il tout haut.

S’il était une chose à laquelle il ne s’était pas attendu, c’était bien à se retrouver nez à nez avec Merthin. Il le regarda grimper la rampe, torturé par la honte. Sa présence en ce lieu prouvait sa trahison. Il n’avait pas imaginé que son frère puisse en être le témoin.

« Bonjour, Ralph ! lui lança celui-ci de loin. Ben me dit que vous ne le laissez pas passer. »

Sachant qu’il ne remporterait pas la victoire sur le terrain de la discussion, Ralph opta pour la froideur. La retenue lui permettrait de mieux dissimuler son émotion, se dit-il. Et puis, en répétant simplement les instructions qu’il avait reçues, les choses risquaient moins de s’envenimer. Voilà pourquoi il déclara avec raideur : « Le comte a décidé d’exercer son droit de lever des impôts et des taxes sur l’utilisation de ses routes pour le transport de pierres.

— Tu ne peux pas descendre de ton cheval pour parler à ton frère ? » s’exclama Merthin.

Il y avait du défi dans sa voix. Un futur chevalier pouvait-il ne pas relever le gant ? Ralph obéit donc à contrecœur. Il aurait préféré rester juché sur sa monture. Dès qu’il eut mis pied à terre, il se sentit vaincu.

« Il n’y a pas d’impôt sur ces pierres, répéta Merthin.

— Si. Dorénavant il y en a un.

— Les moines exploitent cette carrière depuis des centaines d’années. C’est avec ces pierres qu’a été construite la cathédrale de Kingsbridge, et elles n’ont jamais été imposées.

— Peut-être qu’à l’époque, le comte en exemptait les bâtisseurs quand ils édifiaient une église, inventa Ralph. Mais cette exemption ne s’étend pas aux ponts.

— Non, ce que veut le comte de Shiring, c’est que Kingsbridge reste sans pont, voilà tout ! D’abord, il t’envoie me soudoyer ; ensuite, quand il voit que ses manigances ne fonctionnent pas, il décrète un nouvel impôt... C’est ton idée, n’est-ce pas ? demanda-t-il après avoir scruté le visage de son frère.

— Non ! » répliqua Ralph, mortifié. Il se sentit rougir, ne comprenant pas comment Merthin avait pu le deviner.

« Oh, que si ! Je le vois à ton visage. Et c’est même moi qui t’ai donné cette idée, j’en suis sûr ! Quand j’ai raconté que Jake Chepstow importait ses poutres du pays de Galles pour ne pas avoir à payer l’impôt qu’exige le comte de Shaftesbury. »

Se sentant de plus en plus bête, Ralph enrageait. « Ça n’a rien à voir, répéta-t-il avec obstination.

— Tu me critiquais de faire passer mon pont avant mon frère, mais toi, tu es ravi d’anéantir mes espoirs pour le seul plaisir de ton comte.

— Qu’importe d’où vient cette idée ! Il n’en demeure pas moins que le comte a décidé de taxer le transport des pierres.

— Il n’en a pas le droit. »

Ben le Rouleur suivait attentivement la conversation, les mains sur les hanches, solidement planté sur ses deux jambes à côté de Merthin. « Tu as bien dit que ces hommes n’avaient pas le droit de m’arrêter, n’est-ce pas ? lui lança-t-il.

— Exactement », répondit celui-ci.

Traiter ce manant comme un homme intelligent ne rimait à rien, pensa Ralph par-devers lui. Maintenant, il allait se croire autorisé à partir ! Et de fait, Ben caressait déjà de son fouet les épaules de sa bête. Le bœuf tira sur son collier de bois et prit le départ.

« Halte ! » hurla Ralph avec colère.

Ben fouetta son bœuf et l’encouragea de la voix.

L’animal donna un autre coup de collier. Le chariot s’ébranla avec une secousse qui effraya les chevaux. La jument de Joseph Woodstock gémit et se cabra, les yeux fous.

Joseph tira de toutes ses forces sur les rênes. Ayant repris le contrôle de sa monture, il dégagea un pieu de son sac de selle. « Reste à ta place quand on te l’ordonne ! » Poussant son cheval en avant, il se jeta sur Ben en brandissant son gourdin.

Ben esquiva le coup. D’une poigne sûre, il bloqua le gourdin et tira vers lui.

Dressé sur ses étriers, Joseph, déséquilibré, mordit la poussière.

Merthin poussa un cri, consterné. Un homme d’armes ne supporterait pas semblable humiliation. À présent, il n’était plus possible d’éviter l’affrontement. Ralph songea sans le moindre regret que son frère n’aurait jamais dû manquer de respect aux hommes du comte. Tant pis pour lui ! Qu’il en subisse les conséquences !

Ben tenait solidement le gourdin des deux mains. Joseph se releva d’un bond. Comme Ben brandissait son arme, il voulut dégainer. Mais le charretier fut plus rapide. Il devait déjà s’être battu à la guerre, se dit Ralph.

L’homme prenait son élan. Son gourdin s’abattit violemment sur la tête de Joseph, qui s’écroula au sol, inerte.

Ralph poussa un cri de rage. Brandissant son glaive, il se jeta sur Ben.

« Non ! » hurla Merthin.

Mais Ralph avait déjà plongé son arme dans la poitrine du charretier et poussait de toutes ses forces pour la faire pénétrer entre les côtes. La lame traversa son corps massif et ressortit dans son dos. Ben tomba en arrière. Ralph retira son épée. Une fontaine de sang jaillit de la blessure. Ralph en éprouva une satisfaction triomphante. C’en était fini de l’insolence de Ben le Rouleur !

Il alla s’agenouiller près de Joseph. Ses yeux fixes ne voyaient plus. On se sentait plus battre son cœur. Il était mort.

En un sens, cela valait mieux. Les explications en seraient simplifiées : Ben le Rouleur avait assassiné un homme du comte et il l’avait payé de sa vie. Personne n’y verrait la moindre injustice. Le comte Roland était sans pitié pour qui osait défier son autorité.

Merthin n’avait pas la même vision de la situation. Il était défait, il semblait être en proie à une atroce douleur. « Qu’as-tu fait ? cria-t-il à son frère, atterré. Tu laisses un bébé de deux ans orphelin ! Bennie, il s’appelle.

— La veuve n’a qu’à lui trouver un autre père ! jeta Ralph. Et qu’elle choisisse cette fois un homme qui connaisse son rang ! »

Un Monde Sans Fin
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